DIVERS MODES DE CUISSON DES ALIMENTS
La cuisson des aliments peut être divisée en quatre modes se subdivisant eux-mêmes. Ce sont les méthodes dites : par l'ébullition, qui comporte plusieurs applications différentes ; par le rôtissage ; par la grillade (forme de rôtissage) ; par la friture.
En principe tous les aliments cuits passent par l'un de ces modes avant d'arriver à la consommation.
CUISSON PAR ËBULLITION
Elle est généralement la plus appliquée, mais si pour certaines denrées cette ébullition se fait à pleine eau et à grand feu, tels les légumes verts ou certaines viandes devant être blanchies avant d'être cuites selon les règles les concernant : têtes, langues, ris de veau et aussi les crustacés d'une façon générale, il y a d'autres articles qui doivent cuire à petits bouillonnements avec peu ou moins de mouillement ; ils relèvent de la cuisson dite brai-sage. Ainsi une daube est une viande braisée ; un bœuf à la mode, certains légumes après avoir été blanchis sont finis de cuire par le braisage : le céleri, les laitues, l'oseille, etc. Une troisième application de la cuisson par ébullition s'appelle le pochage, c'est-à-dire un aliment cuit dans un liquide, bouillon, vin, ou jus de viande, sans que ce liquide dépasse un léger frémissement. Voilà donc trois sortes de cuisson par ébullition, mais toutes trois différentes l'une de l'autre dans leurs applications et leurs fins culinaires.
BRAISAGE.
Le braisage est, parmi les différentes préparations culinaires, la plus coûteuse et la plus difficile à réussir. En dehors des soins minutieux qu'il exige et de la qualité des viandes traitées, il faut encore disposer d'excellent jus de mouillement et d'un fond de braise bien préparé. Les meilleures viandes à braiser sont fournies par des animaux de trois à six ans pour les bœufs et d'un an à deux ans pour les moutons.
Si la pièce à braiser provient d'une cuisse de bœuf ou d'un gigot de mouton, il est néces­saire auparavant de la larder, car ce sont là des viandes qui ne sont pas grasses en elles-mêmes et qu'une cuisson prolongée risque de sécher ; ce travail n'est pas nécessaire avec l'aloyau ou la côte de bœuf qui sont sillonnés de veines de graisse.
Lardées ou non, les viandes devant être braisées gagnent à être marinées pendant quelques heures avec le vin devant servir à les mouiller et les aromates du fond de braise. A cet effet, elles sont assaisonnées de sel, poivre et épices ; roulées sur elles-mêmes et disposées dans un récipient pouvant les contenir juste, entre deux couches d'aromates ; les couvrir alors du vin de mouillement à raison de 3 décilitres par kilogramme de viande ; laisser mariner en retournant de temps à autre. Le fond de braise comporte par kilogramme de viande, 60 grammes de carottes, 60 grammes d'oignons détaillés en rouelles épaisses, rissoles au beurre ou à la graisse, un bouquet garni contenant une gousse d'ail et 50 grammes de couennes fraîches, blanchies.
Lorsque les viandes sont marinées à point, les faire égoutter sur un tamis pendant une demi-heure, puis bien les éponger dans un linge sec.
Chauffer fortement dans une casserole à fond épais ou dans une braisière de dimensions proportionnées, de la graisse de consommé clarifiée. Faire bien revenir également la viande dans cette graisse. Ce rissolage devra être d'autant plus prolongé, la couche rissolée qui enveloppe la pièce devra être d'autant plus forte, que la pièce sera plus grosse. Ceci fait, la retirer de l'ustensile, la barder et la ficeler si c'est une viande maigre.
Disposer alors dans le fond d'un ustensile de dimensions justes : les légumes du fond de braisage qui ont servi pour la marinade, les couennes et le bouquet ; placer la pièce sur ce fond. Ajouter le vin de la marinade et le faire réduire très rapidement jusqu'à ce qu'il soit arrivé à l'état sirupeux. Couvrir alors la viande d'excellent fond brun, faire prendre l'ébullition, fermer l'ustensile et le mettre à four de chaleur moyenne pour que Pébullition se continue, lente et ininterrompue. Laisser la viande cuire jusqu'au moment où, étant piquée profondément, il ne s'échappe plus de sang. Durant la cuisson, et surtout lorsque l'opération touche à sa fin, le fond de braisage se trouve réduit considérablement et ne couvre plus la pièce. La viande se trouvant découverte sécherait extrêmement vite si l'on n'avait soin de l'arroser sans cesse et de la retourner de façon que le tissu muscu­laire soit constamment humecté et imbibé de sauce, afin de conserver au braisé le moelleux et le fondant qui le caractérisent et le différencient des autres préparations.
Les braisés de viandes blanches, tels que les pratique la cuisine moderne, ne sont pas, à proprement parler, des braisés. On braise à blanc les carrés, selles, longes et noix de veau ; les fricandeaux et les ris de veau, les dindonneaux et les poulardes, parfois aussi, quoique plus rarement, les pièces d'agneau comme doubles, barons ou selles. Le procédé est le même pour toutes ces viandes, seul le temps de cuisson diffère selon le volume des pièces. Le fond de braise est le même que pour les braisés à brun, seulement les légumes sont simplement passés au beurre sans être colorés.
Le facteur de mouillement est toujours un fond blanc.
A part les ris de veau qui sont toujours blanchis avant d'être braisés, les viandes ou volailles à braiser peuvent être légèrement saisies et colorées au beurre sur toutes leurs faces, ce qui fait que les pièces sèchent moins ; toutefois cette opération n'est pas indispensable.
On les place ensuite dans un ustensile garni de fond de braise, juste assez grand pour les contenir et assez profond pour qu'elles ne touchent pas le couvercle de l'ustensile. Faire tomber à glace un peu de fond de veau et mouiller la pièce à mi-hauteur, arroser souvent durant la cuisson. Une viande blanche braisée est au point lorsqu'en la piquant profondément avec une aiguille à brider, elle laisse exsuder, par la piqûre, un jus incolore.
CUISSON PAR ROTISSAGE
Chacun sait ce qu'est une viande rôtie et le vieux dicton : « Il n'est bon rôti que de broche » est toujours vrai. Mais cet ustensile de nos pères est aujourd'hui totalement abandonné dans les intérieurs modernes de même que le gril. Il n'y a que dans les maisons de commerce que ce matériel subsiste. Le rôtissage se fait à notre époque au four, soit four de la cuisinière, soit four à gaz ou électrique, lesquels sont arrivés à la perfection ou presque.
On fait rôtir les volailles, les viandes de boucherie tendres, le porc, le gibier et quelque­fois du poisson, assez rarement d'ailleurs.

Les viandes ou pièces devant être rôties seront parées, dénervées s'il y a lieu, parfois piquées de petits lardons de lard gras, ou enveloppées d'une mince barde de lard, ceci surtout pour les volailles dont cette barde protège la chair de la poitrine, la conservant plus moelleuse. Les pièces sont, d'une façon générale, mises à cuire au four très chaud, afin de saisir la viande, mais cependant, il ne faut pas exagérer ce saisissement, car il se produirait à l'extérieur de la viande une croûte sèche, sorte de cuirasse qui ferait obstacle à la pénétration de la chaleur. En principe, plus la pièce à rôtir est petite, plus il faut la saisir à four vif. Les poulets doivent être graissés d'un peu de beurre, les rôtis de bœuf qui ne sont ni piqués ni bardés de lard, doivent être graissés de bonne graisse de rôti ou de saindoux, le beurre, ici, est inutile. Les viandes grasses, comme le mouton, le porc, le canard, l'oie n'ont besoin d'aucun adjuvant, ces viandes se nourrissent à la cuisson de leur propre graisse. Les gibiers de plume doivent toujours être bardés de lard, et le gros gibier, chevreuil, sanglier, daim, par exemple, doit en principe être piqué de lardons et mariné.
Le temps de cuisson est généralement basé sur le poids des pièces, soit un quart d'heure par livre pour les viandes rouges devant être servies saignantes ; la salaison de ces rôtis doit se faire pendant la cuisson, après l'arrosage, en plusieurs fois, mais peu à la fois, car la pénétration de l'assaisonnement se fait peu à peu, à mesure que les viandes dilatées par la chaleur ouvrent leurs pores. Si on met le sel au début, il s'écoule au fond du plat entraîné par la fonte de la graisse.
Il est difficile de dire de façon absolue à quoi se reconnaît la cuisson à point. C'est surtout affaire d'expérience ; pour une viande de boucherie, nous connaissons la cuisson par une simple pression sur le milieu de la pièce ; celle-ci doit donner un peu une impression d'élasticité. Pour les volailles, quelles qu'elles soient, il y a un critérium infaillible, il suffit de lever la pièce sans la piquer et de faire écouler le jus intérieur, les dernières gouttes doivent être claires comme de l'eau. Si la bête est insuffisamment cuite, ce jus sera rosé, sanguinolent ; une piqûre faite à la grosse articulation de la cuisse doit aussi laisser écouler un jus clair et non rosé.
Recommandation importante : ne jamais mettre d'eau dans le plat du rôti quel qu'il soit ; le jus se fait après la cuisson de la pièce.
Un bon jus de rôti doit conserver le fumet de la viande, il ne faut donc pas mettre du bouillon de bœuf pour faire du jus de volaille ou de gibier.
Quand la viande est cuite, la déposer sur un plat, dégraisser le plat en mettant la graisse précieusement de côté, elle servira pour d'autres rôtis. Au fond du plat doit se trouver, soit un peu de jus liquide rendu par la pièce à cuire, soit un jus réduit, se présentant sous forme de gratin attaché. Déglacer en versant un peu d'eau ou de bouillon pour les viandes de boucherie, et faire fondre sur le feu ce gratin. On obtient ainsi un véritable jus suffisam­ment coloré.
Si l'on a du jus dans le plat après dégraissage, le faire réduire au feu et gratiner pour le déglacer ensuite de même.
Il arrive de faire cuire des viandes, volailles surtout, en casserole ou en cocotte, mais cette cuisson est elle-même un rôtissage, devant être faite au beurre ou bonne graisse sans liquide. Lorsque l'on n'a pas de four à sa disposition pour une raison quelconque, on peut cuire à la casserole ou en cocotte un rôti de boucherie ; la viande sera alors bien rissolée dans l'ustensile avec beurre ou graisse, assaisonnée, couverte avec le couvercle du récipient et conduite à feu très modéré, en la retournant successivement sur toutes ses faces. Même temps de cuisson qu'au four ou un peu moins, puisque étant en vase clos, il n'y a pas déperdition de chaleur.
Dans la cuisine professionnelle, on appelle les viandes cuites ainsi des poêlés et il est bien recommandé par Escoffier de ne pas mouiller ces viandes pendant leur cuisson, autre­ment nous retombons dans les viandes braisées. Comme dans les rôtis, le jus se fait pendant la cuisson, mais par exudation et condensation.
Dans ce même chapitre, ressortissant aux rôtis, nous avons également les sautés.Ce sont ou de petites pièces de boucherie telles que tournedos, côtes de veau, foie, etc., ou des volailles et gibiers mais découpés, assaisonnés, farinés ou non et bien saisis avec un corps gras brûlant. Les viandes blanches seront farinées après assaisonnement, bien rissolées en sautoir, puis après avoir été saisies et bien dorées se finiront au four à découvert ; ou sur feu doux, mais alors à sautoir couvert, en les arrosant une ou deux fois.
Il nous reste à parler de la grillade qu'il n'est pas paradoxal de classer aussi dans le rayon des rôtis, car c'est bien du rôti à feu vif et à l'air libre. Ici encore laissons la parole au Maître Escoffier.
GRILLADES  DE  VIANDES  NOIRES.
Dans la conduite de la grillade, le point de départ repose tout entier sur l'observation du degré de température qu'il convient d'appliquer à chaque objet. Plus cet objet sera volumineux et chargé de principes nutritifs, plus son saisissement, c'est-à-dire son rissolage extérieur, devra être fait vivement et fortement. S'il s'agit de grosses grillades de viandes noires, comme bœuf et mouton, l'enveloppe rissolée devra être d'autant plus résistante que ces viandes seront d'excellente qualité et, pourtant, chargées de sucs. La poussée de ces sucs contre l'enveloppe rissolée sera d'autant plus violente qu'ils seront plus abondants, et cette poussée augmentera au fur et à mesure que les jus s'échaufferont. Si le feu de la grillade est bien réglé pour assurer la pénétration progressive de la chaleur dans l'objet en cuisson, il se produit ceci :
La chaleur, frappant directement la partie de la viande en contact avec le combustible embrasé, contracte d'abord les fibres en contact avec le gril, puis pénètre dans les tissus, s'y propage par couches en refoulant dans l'intérieur les sucs qui finissent par traverser la pièce en cuisson et viennent perler à la surface du côté cru. C'est alors que cette pièce est retournée sur le gril et que le même processus de cuisson recommence du côté cru, jusqu'à ce que les sucs refoulés par en haut et arrêtés par la surface grillée la première, traversent celle-ci en formant de petites perles de sang qui indiquent l'a point de cuisson.
Il s'indique que, si le morceau à griller est très gros, l'intensité du feu doit être diminuée aussitôt que la formation de l'enveloppe rissolée est obtenue, afin d'assurer la pénétration progressive de la chaleur dans l'intérieur du morceau. Si le feu était maintenu au même degré, il arriverait que l'enveloppe rissolée se trouverait promptement carbonisée ; que cette croûte brûlée s'opposerait à toute pénétration de la chaleur dans l'intérieur et que, finalement, on arriverait à obtenir une viande complètement brûlée au dehors et abso­lument crue dans l'intérieur. S'il s'agit de viandes grillées dont l'épaisseur est relativement petite, un saisissement à feu ardent et quelques minutes de cuisson ensuite suffisent pour les mettre au point. Dans ce cas point n'est besoin de modérer l'intensité du feu.
Exemple : Un rumsteak ou un chateaubriand devront, pour être amenés sûrement à leur juste point de cuisson, être fortement saisis d'abord pour la formation de la couche rissolée, barrière opposée à la sortie des jus, et conduits ensuite à feu plutôt modéré, pour que la chaleur, en les pénétrant progressivement, assure la cuisson de l'intérieur. Les petites pièces, comme tournedos, petits filets, noisettes, côtelettes, peuvent, après le saisis­sement rigoureusement obligatoire, être maintenues à la même intensité calorifique parce que l'épaisseur de viande que doit pénétrer la chaleur est moindre.
Soins à donner aux grillades pendant leur cuisson.
Avant d'être posées sur le gril, les viandes doivent être largement enduites avec du beurre clarifié ; elles doivent être encore fréquemment alimentées de même beurre pendant leur cuisson afin de prévenir le dessèchement des parties en contact avec le feu. Une viande noire grillée doit toujours être retournée avec une palette ou mieux, avec des pincettes spéciales ; mais on doit s'abstenir de la piquer, car ce serait détruire volontairement toutes les précautions prises, en ouvrant un passage facile aux jus de l'intérieur.

On fait frire également les objets panés, comme les croquettes de viande ou légume, ou entremets, les rissoles, les beignets, toutes choses mentionnées à leur chapitre respectif.
Pour réussir les pommes de terre soufflées, il faut une friture de graisse de rognons de bœuf ; l'huile ne convient guère, à moins d'une grande pratique.
On fait frire aussi quelquefois des viandes ou légumes qui ont subi par avance une cuisson préalable, comme le gras double, les salsifis pour ne citer que ces deux exemples.
Dernière recommandation : chaque fois que l'on a utilisé la friture, il faut la laisser reposer une vingtaine de minutes pour éviter de se brûler ; puis la passer dans une passoire très fine. Cette précaution est indispensable, les objets frits laissant toujours tomber dans la friture l'excédent de farine dont ils étaient poudrés, ou des miettes de chapelure pour les objets panés, et ces déchets se déposant au fond de la bassine y forment un dépôt qui sera le premier à brûler lorsque ultérieurement on fera chauffer la friture pour un nouvel emploi.
PRÉPARATION  DE  LA  GRAISSE  POUR  FRITURE.
Prendre, par exemple, 2 kilogrammes de graisse de rognons de bœuf car il faut toujours une assez forte quantité de friture ; c'est une économie parce qu'elle risque moins de brûler qu'une petite quantité, d'abord, et ensuite parce que tout mets à frire doit largement bai­gner dans cette friture. Couper en menus morceaux cette graisse, ou la faire couper par le boucher et la mettre dans la bassine à friture, la baigner complètement avec de l'eau. Mettre au feu et laisser cuire tout doucement jusqu'à ce que l'eau s'étant évaporée, après avoir dissocié les cellules qui emprisonnent la graisse, on les voit surnager sous forme de petits grattons bien grillés. A ce moment la friture très claire dégage une petite fumée bleuâtre et sensible à l'odorat.
Passer cette graisse à la passoire fine en exprimant le mieux possible, par pression, toute la graisse qui, pour être prête à l'emploi, doit être purifiée. Pour ceia faire frire dedans soit un ou deux oignons fendus en quatre, soit seulement quelques épluchures propres de pommes de terre, qui prendront le goût accentué de graisse toujours attaché à la première cuisson. Mieux vaut sacrifier deux oignons que l'on jette ensuite que servir une première friture qui ne soit pas impeccable.
Ces indications, inutiles pour les professionnels, sont données ici pour servir à la ména­gère ou à la cuisinière de maison.